La fabrication de MiB
Commençons à partir d’un beau morceau de tilleul grossièrement taillé à la scie à ruban pour lui donner un volume parallélépipédique capable (volume qui contient entièrement le futur vase).
Ce morceau placé entre la contrepointe tournante à droite et l’entraineur à griffes (qui transmet le couple de rotation du moteur du tour) va être dégrossi à la gouge à dégrossir (d’où son nom !) pour lui donner une forme cylindrique.
Sur la photo vous pouvez voir que j’ai commencé.
La gouge fermement en appui sur son porte-outils, j’opère un mouvement de va et vient sur la longueur de la pièce en veillant à bien faire talonner le bois en rotation (qui défile à 1500 t/min) sur le talon de la gouge, puis en relevant délicatement le manche de la gouge afin de venir opérer une passe de coupe pas trop gourmande (le risque de plantage de l’outil est bien réel) mais tout de même suffisante pour ôter de la matière en un temps raisonnable.
Comme je ne dispose pas au moment de la photo, de l’équipement qui permettrait de fixer l’appareil photo et de déclencher la prise de vue sans mes mains, j’ai jugé plus prudent de faire la photo tour à l’arrêt.
Je délimite à gauche une portion de cylindre qui va me permettre de serrer mon tilleul dans un mandrin (ou dans un gobelet qui est sans doute la solution la plus sure). C’est nécessaire car il va falloir enlever la contrepointe pour pouvoir creuser l’intérieur du vase. C’est alors le mandrin seul qui entrainera le bois et qui le maintiendra en place.
J’en profite également pour délimiter à droite le volume du col de mon vase (autant travailler le plus possible entre pointes, cela limite les risques)
Ma pièce est placée dans son mandrin, la contrepointe est ôtée. Je trace au crayon l’emplacement du diamètre maximal du vase (j’ai descendu le diamètre du bois à cette valeur dans l’opération précédente), puis je raccorde la base du col du vase à ce diamètre maximal en une courbe approchée par coupes successives avec une gouge à profiler de 13 mm.
Je trace sur le col du vase le diamètre de l’ouverture de creusage pour préparer celui-ci.
Contrairement à ce qui se pratique d’ordinaire, le creusage va démarrer avant d’avoir terminé le profilage complet de la forme extérieure. En effet, c’est un creusage profond et il n’est pas mauvais de laisser un maximum de matière en place pour garantir une meilleure stabilité en rotation de la pièce.
Le travail se fait à l’anneau à creuser outil assez extraordinaire capable de coupes puissantes et douces à la fois mais qui supporte assez mal un écart d’angle d’ouverture en dehors de son « domaine de vol » (plantages assez violents assurés).
Lorsque l’anneau ne mord plus de bois en raison de sa géométrie, j’utilise un foret de fort diamètre pour aller creuser un peu plus bas, afin de reconstituer un gradin que l’anneau de creusage pourra de nouveau attaquer proprement (voyez la photo suivante).
Arrêts fréquents et utilisation d’une lampe frontale pour bien surveiller l’avancement du creusage.
Vous pouvez voir que je viens d’achever une passe avec le foret, au fond du creusage. Je vais pouvoir reprendre le travail à la gouge anneau.
Profilage de la forme extérieure finale (du pied du vase jusqu’à son diamètre maximal).
C’est toujours avec les courbes les plus simples et les plus tendues que le travail est le plus délicat (c’est la même chose je pense, avec le travail de style d’un beau tendu de tôle de carrosserie automobile) et cela nécessite une bonne coordination oeil-main-corps pour accompagner le plus possible la gouge à profiler dans un seul mouvement ininterrompu entre le diamètre maximal et le pied du vase.
Le mouvement se prépare à l’avance et l’exécution exige de toujours bien rechercher à faire proprement talonner sa gouge, faute de quoi le rendu est au mieux disgracieux et présente des traces d’outils qui sont difficiles à retirer, et au pire … un champ de patates qui sera encore plus difficile à corriger.
Les plus anglophones de mes lecteurs consulteront avec profit cette excellente page qui en dévoile les arcanes : « Ride the bevel » !
Fort heureusement, sur ce vase, les choses se sont plutôt bien passées et les passes de finition/ponçage ont été légères.
En parlant de finition, notez cette petite coquetterie que j’ai décidé d’inclure sur le vase : un filet noir à la base du col. Cela se fait très simplement en appliquant une fine corde à piano sur la pièce en rotation (après lui avoir éventuellement préparé une gorge d’atterrissage avec une gouge à profiler par exemple, de manière à bien s’assurer que la corde à piano n’ira pas déraper ailleurs !). L’échauffement produit par le contact avec ce fil suffit à produire une belle ligne bien nette.
Je finis ce vase en lui appliquant de la cire de Carnauba (quelle merveilleuse odeur elle dégage !) qui est je crois la cire la plus dure qui soit et qui présente un autre avantage : elle est comestible, ce qui peut être utile pour des pièces qui seront en contact avec des aliments.
Reste à vous expliquer l’origine du nom de ce vase.
Souvenez-vous, dans le film Men in Black II (en 2002), la très méchante extra-terrestre Serleena (qui se transforme dès le début du film en une brune assez superbement … tournée, ma foi) débarque sur Terre dans un petit vaisseau qui a la taille et la forme approximative du vase que j’ai nommé « MiB » en référence aux Men in Black et à ce film en particulier. Voilà … encore une preuve de mon côté geek, sans doute.
Voyez la photo ci-contre (© Columbia Pictures).
Il y a une certaine ressemblance n’est-ce pas ?